Française et amoureuse de la Belgique, où elle est installée, Sandrine Roginsky a un parcours atypique. Ce parcours, elle en fait sa force. Depuis l’Irlande où elle a fait une thèse en sociologie, à l’Université catholique de Louvain, en passant par Bruxelles et le parlement européen, elle est une fine connaisseuse des rouages européens. Membre du jury depuis les prémices du BWS, elle revient sur ses expériences.
Un parcours ascendant
Formée sur les bancs du CELSA, l’école de communication de la Sorbonne, la désormais professeure n’aspirait pas à une carrière dans l’Union Européenne. Intéressée par tout et avide de découvrir de nouvelles choses, elle s’envole pour Belfast après ses cinq années d’études. Portée par l’envie d’y faire une thèse, elle s’inscrit dans un programme de la Commission européenne, pour un service volontaire européen auprès d’ONG locales. À l’obtention de fonds pour entamer son projet, elle se lance dans une thèse en sociologie sur la “participation des associations de femmes dans les dispositifs de démocratie participative en Irlande”. Quand ses financements prennent fin, elle doit rapidement faire un choix. “Je n’avais pas entièrement fini ma thèse, mais j’ai senti que si je ne partais pas maintenant, il allait être difficile de revenir sur le continent” se souvient-elle. Attirée par l’Europe depuis son passage en Irlande, elle décide en 2004 de rejoindre Bruxelles. À l’époque, les élections européennes battent leur plein et le parti des verts (EELV) effectue de bons scores. C’est les équipes de EELV qu’elle décide de rejoindre. Jusqu’en 2009, elle navigue entre le siège du parti à Paris et le parlement à Bruxelles et travaille auprès de nombreux députés verts. En 2009, le vent tourne à nouveau et Sandrine Roginsky préfère assurer ses arrières, “les élections parlementaires approchant, j’ai voulu m’assurer un poste au Conseil de Paris, au cas-où les verts ne seraient pas élus ». Coup de chance, les verts remportent plusieurs sièges. Après six mois d’escapade parisienne, Sandrine Roginsky est rappelée par le député EELV Pascal Canfin. “Au fil des ans, j’ai noué de solides relations avec le parti, je suis donc revenue en Belgique pour devenir la collaboratrice parlementaire de Pascal” résume-t-elle.
“S’impliquer dans la décision européenne”
Dans l’hémicycle ou dans les couloirs de la Commission, l’ancienne communicante ne cesse d’apprendre. Pourtant, ce à quoi elle aspire depuis longtemps, c’est transmettre. “J’ai toujours su que je mettrais un pied dans le monde académique un jour” expose l’europhile. Pourtant, son parcours est tortueux et semé d’embûches. Le milieu de la recherche est fermé pour celles et ceux qui n’empruntent les voies royales. Mais Sandrine Roginsky est persévérante. C’est à l’Université Catholique de Louvain (UCL), en Belgique, qu’elle fera ses premiers pas en tant qu’enseignante chercheuse. “Le système belge m’a permis d’être en probation pendant 3 ans tout en enseignant », explique-t-elle. Toujours attachée au parti pour lequel elle a travaillé, elle continue de suivre les projets européens en cours. Et pour cause, son principal objet d’étude porte sur l’analyse du travail politique, notamment européen, par le prisme de la communication et de l’usage des réseaux sociaux. Comme un poisson dans l’eau lors de la précédente édition du BWS, avec le numérique comme thématique phare, elle se souvient de ses débuts dans le jeu. “Philippe Aldrin est une des premières personnes avec qui j’ai pu discuter quand je suis devenue enseignante chercheuse, on avait déjà bossé sur des projets pédagogiques, j’ai donc sauté sur l’occasion du BWS ” précise la chercheuse. Attentive aux innovations pédagogiques, Sandrine Roginsky voit en le jeu la possibilité de “s’impliquer émotionnellement et concrètement dans la décision européenne”. “Le jeu, avec sa dimension théâtrale, permet de comprendre l’importance de faire monter la pression et de jouer des relations privilégiées entre x ou y” renchérit-elle. Sur une thématique comme celle de l’Europe de la santé, que la spécialiste juge “pertinente, difficile et très intéressante”, les joueurs devront redoubler de finesse et de rigueur pour impressionner le jury. Si la jurée confie avoir été impressionnée par les performances des joueurs et joueuses les années précédentes, elle met en garde contre “le manque de réalisme de certaines prises de positions”. Elle voit les plénières et leur déroulé comme le fonctionnement d’un orchestre “si quelqu’un manque, qu’il joue faux ou qu’il se trompe, ça se voit tout de suite, dans la décision européenne c’est la même chose”. Ravie de faire à nouveau partie du comité du BWS cette année, elle est impatiente de se plonger à nouveau dans les méandres de la négociation.
Elhia Pascal-Heilmann